Une île, plus d’un nom
Il y a environ 5000 ans, l’élévation du niveau de la mer a créé une nouvelle île dans la péninsule maritime. Au cours de son histoire, cette île a porté différents noms, dont certains ont été perdus au fil du temps. Dans les passages qui suivent, nous examinons comment elle en est venue à s’appeler Île-du-Prince-Édouard.
Epekwitk
Les premiers habitants de l’Île-du-Prince-Édouard étaient des chasseurs et des cueilleurs autochtones qui pourraient avoir suivi les caribous sur la glace des glaciers fondants. La preuve? Une pointe de lance de type Clovis retrouvée près de Tryon. Les anciens noms autochtones donnés au paysage en évolution ont été perdus avec le temps, mais les Mi’kmaq, aujourd’hui reconnus comme le peuple autochtone de l’Île-du-Prince-Édouard, connaissent l’île sous le nom d’Epekwitk (prononcé e·be·kwitk), c’est-à-dire « quelque chose reposant sur l’eau ».
L’histoire orale des Mi’kmaq et les preuves archéologiques montrent que les Mi’kmaq et leurs ancêtres fondaient des groupes de chasseurs-cueilleurs parents et se déplaçaient ainsi sur l’île au rythme des saisons. Les informations importantes sur la terre, la culture et la société étaient encodées dans l’histoire orale, puis transmises de génération en génération par les aînés, assurant ainsi l’héritage durable des Mi’kmaq, de leur culture et de leurs traditions.
Encore aujourd’hui, Epekwitk abrite de nombreux Mi’kmaq et fait partie de Mi’kma’ki, la grande patrie des Mi’kmaq du Canada atlantique. Pour en savoir plus sur le patrimoine autochtone de l’Île-du-Prince-Édouard et la culture mi’kmaq actuelle, on peut visiter le centre culturel mi’kmaq à Lennox Island.
Isle Saint-Jean
À partir des années 1600, les Mi’kmaq ont des contacts réguliers avec des pêcheurs et commerçants européens, mais ce n’est qu’en 1720 que les Européens commencent à s’installer de façon permanente sur l’île. Ces premiers arrivants français appellent leur nouveau territoire Isle Saint-Jean. Ils sont rapidement rejoints par les Acadiens – des colons francophones originaires des territoires qui allaient devenir la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.
Pendant près de quarante ans, la population francophone de l’Isle Saint-Jean se développe par à-coups, aux côtés de la population mi’kmaq. Mais en 1758, le désastre frappe : l’Isle Saint-Jean est conquise par les troupes britanniques, et les habitants français et acadiens sont déportés de force.
La déportation (aussi appelée le Grand Dérangement) est une terrible tragédie, mais ce n’est pas la fin de l’Isle Saint-Jean. Certains Français et Acadiens échappent à la déportation en se cachant dans les régions sauvages de l’île, tandis que d’autres reviennent après de nombreuses années d’exil. Nombre d’entre eux trouvent refuge chez les Mi’kmaq. Aujourd’hui, des dizaines de milliers d’Insulaires, tant francophones qu’anglophones, peuvent retracer leur arbre généalogique jusqu’à des ancêtres qui ont vécu la tragédie de l’expulsion. La langue française et la culture acadienne continuent toujours de prospérer sur l’Isle Saint-Jean : ce patrimoine rayonne notamment dans la nourriture, la musique et la danse. Pour en savoir plus sur l’histoire et la culture acadiennes et francophones de l’Isle Saint-Jean, on peut visiter le Musée acadien de l’Île-du-Prince-Édouard à Miscouche.
St. John’s Island
Lorsque les Britanniques conquièrent l’Isle Saint-Jean, ils anglicisent son nom et la baptisent St. John’s Island. L’île devient alors une colonie britannique indépendante dotée de son propre gouvernement. À l’arrivée des premiers colons britanniques à St. John’s Island, plusieurs des villes et villages les plus importants voient le jour : Cavendish, Charlottetown et Georgetown, entre autres.
Les colons britanniques ne sont toutefois pas les seuls à immigrer à St. John’s Island. Des personnes d’origine africaine commencent aussi à arriver en grand nombre à la fin des années 1700. La plupart viennent en tant qu’esclaves et endurent des conditions extrêmement pénibles. En 1825, bien que l’esclavage ait été aboli dans la colonie, les Insulaires noirs sont toujours confrontés au racisme, à la discrimination et à l’adversité économique. Malgré ces difficultés, la population noire persévère à l’Île, formant des communautés très unies à Charlottetown et dans l’est de l’île. De nos jours, la Black Cultural Society of PEI consacre des efforts pour partager l’histoire de la communauté noire de l’Île-du-Prince-Édouard, du passé lointain à aujourd’hui.
Île-du-Prince-Édouard
Vers la fin des années 1700, plusieurs endroits portent déjà le nom de St. John’s dans ce qui est maintenant le Canada atlantique : Saint John, au Nouveau-Brunswick, et St. John’s, à Terre-Neuve, par exemple. C’est ainsi qu’en 1799, on décide de renommer la colonie Prince Edward Island, ou Île-du-Prince-Édouard, en l’honneur du prince Edward, duc de Kent (le futur père de la reine Victoria!). Le nom est resté.
Au cours des années 1800, l’Île-du-Prince-Édouard devient une colonie prospère, en grande partie grâce à l’industrie navale. De nombreux Insulaires font fortune en construisant de grands voiliers en bois qu’ils naviguent autour du monde. Pour être transporté à l’âge d’or de la voile à l’Île-du-Prince-Édouard, on peut visiter un musée de la construction navale et l’historique maison Yeo à Green Park, ainsi que la maison historique Beaconsfield. Les maisons Beaconsfield et Yeo ont toutes deux été construites par de riches constructeurs de navires et sont aujourd’hui préservées pour témoigner des jours de gloire de cette industrie à l’Île-du-Prince-Édouard.
L’Île-du-Prince-Édouard développe également son agriculture dans les années 1800, ce qui lui vaut d’autres surnoms : « jardin du golfe » et « ferme au million d’acres ». Vers la fin des années 1800 et au début des années 1900, les plus grandes populations de colons en région rurale sont écossaises et irlandaises, mais il y a aussi des Insulaires de toutes sortes d’origines dispersés dans tous les coins ruraux de la province, notamment des Acadiens, des Noirs, des Chinois, des Anglais, des Libanais et des Gallois. Il est toujours possible de faire l’expérience de la vie rurale de l’Île en 1895 : il suffit de visiter le village historique d’Orwell Corner, où on peut nourrir les animaux de la ferme, regarder le feu crépiter dans l’atelier du forgeron, se renseigner sur la vie quotidienne au magasin général – et plus encore!
Le Berceau de la Confédération
L’Île-du-Prince-Édouard porte un autre nom : le Berceau de la Confédération. En effet, en 1864, une conférence s’est tenue à Charlottetown pour discuter de l’idée d’unir les colonies britanniques d’Amérique du Nord en une seule entité politique. La Conférence de Charlottetown est devenue la première étape d’un long chemin qui a mené à la Confédération canadienne et, finalement, au pays que nous connaissons aujourd’hui. La Confédération a un héritage complexe que l’on peut explorer plus en détail en visitant la Chambre de la Confédération au Centre des arts de la Confédération, à Charlottetown.
Bien qu’elle ait été l’hôte de cette première conférence, l’Île-du-Prince-Édouard a tardé à adhérer à la Confédération. Les dirigeants de l’Île estimaient qu’il valait mieux faire cavalier seul; ils n’ont donc pas participé à la formation du nouveau pays, le Canada, en 1867. Ils ont finalement fait leur entrée six ans plus tard, en partie pour aider à payer la construction d’un chemin de fer à l’échelle de la province. Le chemin de fer qui a contribué à l’entrée de l’Île dans la Confédération a disparu depuis, mais on peut toujours emprunter les rails en visitant le musée ferroviaire d’Elmira, dans l’est de l’Île-du-Prince-Édouard.
Une île, plus d’un nom
L’Île-du-Prince-Édouard a continué à se développer et à changer au cours des 20e et 21e siècles. Lorsque les navires en bois sont tombés en désuétude à la fin des années 1800, la construction navale a été remplacée par d’autres industries. Par exemple, les pêcheries de l’Île ont connu une croissance au 20e siècle, lorsque le homard et d’autres crustacés sont devenus des exportations majeures. Aujourd’hui encore, de nombreux habitants de l’Île gagnent leur vie en mer. Leur histoire, leur culture et leurs traditions sont exposées au musée des pêches de Basin Head, dans l’est de l’Île-du-Prince-Édouard.
La culture de la pomme de terre était également en pleine croissance à l’Île-du-Prince-Édouard au 20e siècle. À l’origine une culture parmi d’autres, la récolte des pommes de terre de l’Île est devenue la plus importante récolte provinciale au Canada. On peut tout apprendre sur la pomme de terre et son lien particulier à l’Île-du-Prince-Édouard au Musée canadien de la pomme de terre à O’Leary.
L’Île-du-Prince-Édouard a continué à marquer l’histoire politique pendant une bonne partie du 20e siècle. Nous avons élu le premier premier ministre canadien d’origine libanaise (Joseph Ghiz) et la première femme première ministre du Canada (Catherine Callbeck). Plus récemment, l’Île-du-Prince-Édouard est devenue la première province du Canada à interdire les sacs en plastique à usage unique.
L’Île-du-Prince-Édouard est également devenue de plus en plus diversifiée : des gens du monde entier choisissent de s’installer dans cet endroit magnifique. On peut découvrir quelques-unes des nombreuses traditions désormais présentes à l’Île en prenant part au festival multiculturel DiverCité, qui a lieu chaque automne dans les rues de Charlottetown.
Aujourd’hui, notre île retient plusieurs noms : Epekwitk, Isle Saint-Jean, Île-du-Prince-Édouard. Chacun de ces noms a laissé – et continue de laisser – sa marque dans notre histoire. C’est une histoire qui reste vibrante et vivante encore aujourd’hui, et nous sommes toujours prêts à vous la faire découvrir. Venez faire l’expérience du passé, du présent et de l’avenir de l’Île-du-Prince-Édouard en visitant sites historiques, musées, aînés, poètes, artistes, musiciens et autres lieux et personnes dignes d’intérêt.